05/10/2008

E comme... Elle : Samia Ghali !

"Je préfère arrêter la politique
plutôt que renier ce que je suis et d'où je viens."



Des quartiers nord de Marseille au Sénat, les combats de la "petite Samia Ghali"
LE MONDE 18.09.08 13h21 • Mis à jour le 18.09.08 20h57
MARSEILLE CORRESPONDANT


Salle des mariages de la mairie de Barbentane (Bouches-du-Rhône). En campagne dans une commune dirigée par la droite, face à une quinzaine de grands électeurs, Jean-Noël Guérini, président (PS) du conseil général, présente sa liste : une élue communiste en deuxième position, puis un maire socialiste et, en quatrième place, avec de bonnes chances d'entrer au Sénat, "ma petite Samia Ghali".

Le chemin parcouru par cette mère de quatre enfants depuis les cités des quartiers nord de Marseille jusqu'aux marches du Sénat compte deux grands combats. Celui que Samia Ghali, 40 ans, a mené, dans les années 1980, contre "le fléau de la drogue", et son ascension au PS, dont elle a poussé la porte il y a vingt-cinq ans.

Elle parle de sa jeunesse comme d'un élément fondateur de son engagement, ce qui lui permet de "garder les pieds sur terre". Elevée par ses grands-parents, dans une très nombreuse famille de Berbères des Aurès, elle grandit à Bassens, cité pauvre de Marseille, en bordure de la voie ferrée.

"De l'autre côté, il y avait le pré de Marius et la ferme où on allait chercher du lait." Sa madeleine de Proust est aussi sa première révolte. Onze enfants de Bassens sont morts écrasés par un train avant que la cité ne soit isolée des rails.

A Campagne Lévêque, dans la barre d'immeuble où sa famille s'installe, Samia Ghali découvre les dégâts de la consommation d'héroïne. "J'ai vu des mères souffrir de cette sale époque. La police, à laquelle elles demandaient de l'aide, leur rétorquait : "Ça fait rien, ils se tuent entre eux, ça en fera moins." Ces mots-là, je les garderai toujours dans ma tête."

"SOUFFRANCE"

A l'invitation d'une professeure de français qui loue sa vivacité et son caractère revendicatif, la jeune femme adhère à la section socialiste du 15e arrondissement. "Je suis entrée en politique car j'avais le sentiment que les élus ne pourraient jamais comprendre les souffrances dont j'étais le témoin tous les jours."

Avec Patrick Mennucci, figure de la fédération socialiste, elle aide à reconstruire le PS dans ce fief communiste sur lequel déferle la vague du Front national. Elle entre dans une mutuelle de la galaxie socialiste, puis devient permanente de la fédération, avant d'être recrutée comme agent territorial au conseil régional. "Le PS, analyse-t-elle, ça a été des moments très sympas, mais aussi d'autres très durs, où j'ai pleuré." Samia Ghali n'est pas une héritière en politique, elle encaisse les coups, fait le dos rond durant ses traversées du désert. Fière de ne jamais mâcher ses mots face à de vieilles barbes locales, même lorsqu'il faut faire l'inventaire politique de Gaston Defferre qui, dit-elle, "n'est pas pour rien dans la fracture Nord-Sud de Marseille".

Tous les échelons sont gravis : conseillère d'arrondissement du maire (PCF) du 8e secteur, Guy Hermier, en 1995, conseillère municipale en 2001, vice-présidente du conseil régional en 2004. En mars, Jean-Noël Guérini crée la surprise : Samia Ghali sera sa première adjointe, en cas de victoire contre Jean-Claude Gaudin. "Il m'a choisie plus pour mon travail que pour mon appartenance. Il m'a vue grandir, évoluer."

Depuis le fauteuil de maire du 8e secteur (96 000 habitants), elle continue à sillonner ces quartiers qu'elle connaît bien, un jour à la rencontre d'un campement de gens du voyage, le lendemain à houspiller un bailleur social pour rétablir le chauffage dans un immeuble. Toujours avec la même pugnacité : "Je préfère arrêter la politique plutôt que renier ce que je suis et d'où je viens."

Luc Leroux
Article paru dans l'édition du 19.09.08

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