15/10/2008

La bourse repart... et après ?

Chers camarades,



Notre Président a eu beau, avec quelques autres puissants de ce monde, nous concocter en urgence une solution des plus onéreuses afin de rassurer les marchés – faisant ainsi un pied de nez des plus ironiques à l’ultralibéralisme dont ils se revendiquaient – le constat de départ reste le même : les crises financières s'enchaînent et s'accélèrent, avec comme point commun une spéculation excessive et débridée, déconnectant de fait la bourse et l'économie mondiale.



Loin de tomber dans le protectionnisme ou l’anti-libre-é changiste d'autres contributions, la motion E avait mis le doigt sur le problème et avancé des solutions réalistes avant même l'éclatement de la crise : son point 1. 2. "Mettons fin à la dérive spéculative des marchés financiers" exigeait ainsi « la mise en place de nouvelles régulations » ainsi qu’une « réorientation de l’épargne nationale vers l’investissement productif ». Il était également proposé de mettre en œuvre une « réglementation beaucoup plus stricte des rémunérations des traders et des dirigeants bancaires », bien avant la récupération opportuniste d’un certain Nicolas S. Il s’agissait par ailleurs de « confier le contrôle des institutions financières européennes à la Banque centrale européenne » et bien évidemment d’accentuer la « lutte contre les paradis fiscaux et le blanchiment d’argent ».



Soutiens de la Motion E au sein de la FFE, nous allons aujourd’hui beaucoup plus loin et proposons un plan d'action détaillé en 10 points :



1. Simplifier la lecture des marchés financiers, en mettant en place un système d’homologation des produits échangés : à l’origine, les produits dérivés, qu’ils s’agisse d’options d’achat ou de vente, de contrats à terme (forwards / futures) ou d’échanges de taux, devises ou matières premières (swaps), avaient une utilité économique, consistant à couvrir les entreprises et établissements financiers contre un risque de fluctuation d’un sous-jacent donné. Aujourd’hui, comme l’a encore montré l’affaire Kerviel début 2008, les acteurs des marchés financiers eux-mêmes sont parfois dépassés par leur propre stratégie, aidés en cela par des contrôleurs de « middle-office » insuffisamment formés et par trop admiratifs de leurs collègues traders, mais aussi par des dirigeants leur faisant une confiance aveugle et à la mesure de leurs profits. Cette mesure permettra sans nul doute un contrôle plus aisé des montages toujours plus exotiques élaborés dans les plus grandes salles de marché.



2. Exiger plus de transparence de la part des fonds alternatifs d’investissements (ou « hedge funds ») et empêcher la déconsolidation des créances douteuses des bilans bancaires par voie de « titrisation » : là encore, une pratique qui se voulait à la base utile pour l’économie, en mutualisant les crédits à risque des banques au sein de structures externes dont les titres étaient ouvertement des « investissements pourris » (junk bonds, en anglais), a perdu sa fonction première et finalement permis aux établissements de crédit de prendre toujours plus d’engagements en dépassant leurs réserves obligatoires. Il faudra donc faire la lumière sur ces montages et ne plus permettre autant d’excès ; il faudra également contraindre ces fonds d’investissement de plus en plus innovants à se conformer à la réglementation prudentielle conçue pour les établissements financiers.



3. Mieux encadrer les différents acteurs, à commencer par les agences de notation privées (telles Standard & Poor’s, Moody’s ou bien encore Fitch IBCA). Ces dernières sont en effet parmi les premières responsables de la récente crise de liquidité, se permettant de maintenir une notation très saine (de type AAA, Aaa, etc.) à des structures de titrisation à haut risque, ainsi qu’aux établissements détenant des titres pourris comme les créances américaines sur crédits immobiliers à risque, dits « subprimes ». En maintenant leur confiance à des banques d’investissement prestigieuses comme Lehman Brothers, les agences de notation ont failli à leur mission et précipité les premières faillites, en entraînant d’autres par propagation du risque systémique. Il faudra donc les contraindre à justifier régulièrement leurs choix.



4. Moraliser le métier, en limitant les salaires et primes des différents opérateurs de marché, en légiférant sur les primes de départ (ou « golden parachutes ») des dirigeants des grands établissements financiers et en revalorisant les métiers de contrôle du middle-office.



5. Relever les ratios prudentiels (de liquidité, solvabilité ou division des risques) imposés aux établissements de crédit par la Banque de France. Ces derniers ont été réformés à l’échelle internationale par le Comité de Bâle, mais dans les faits le niveau de fonds propres (ou réserves) exigé est resté sensiblement le même que par le passé, c'est-à-dire à environ 8% des actifs pondérés (prenant en compte les volume et risque des engagements en crédit et en titres d’investissement, et considérant le risque opérationnel de la banque en question). Les renationalisations récentes vont augmenter ces ratios, mais toutes les banques n’auront pas recours aux aides ou investissements de l’Etat et devront donc être renforcées en parallèle.



6. Réformer les normes comptables : là encore, une harmonisation internationale a déjà été lancée il y a quelques années, particulièrement au niveau des banques, qui sont déjà toutes tenues de se conformer aux normes IAS et IFRS. Ces normes, d’inspiration anglo-saxonnes, privilégient la comptabilisation des actifs en valeur de marché, ce qui a pour effet pervers de pousser à provisionner les pertes futures lorsque celles-ci deviennent plus probables, c'est-à-dire lorsque la banque est déjà en difficulté. Il faudra donc penser à inverser la logique de couverture des risques, en encourageant à mettre de l’argent de côté au plus haut des profits et en allégeant les contraintes en la matière en période de déficits ou en prévision de pertes.



7. Renforcer le rôle du commissaire aux comptes. En France, chaque établissement de crédit est contrôlé par deux « CAC » ou auditeurs externes pour un mandat stable de 6 ans. Il s’agit généralement de grands cabinets d’audit, risquant leur réputation pour tout défaut d’alerte en cas de détection de fraude. Les commissaires aux comptes sont déjà tenus de faire un rapport sur le contrôle interne de l’établissement en question, mais leurs équipes n’ont généralement pas assez de temps et sont insuffisamment formés – en ayant fait partie, je peux juger sur pièce ! – pour contrôler des opérations de marché toujours plus complexes. Il faudra donc accroître leurs moyens et légiférer afin d’exiger la rédaction d’un rapport spécial du commissaire aux comptes sur les activités de marché des établissements financiers.



8. Réorienter les financements des banques vers les investissements productifs et les PME. En effet, il est aujourd’hui parfois plus aisé, et surtout plus rentable, de placer ses liquidités sur les marchés que de prêter à des particuliers ou à des entreprises, particulièrement en période de ralentissement économique, alors que les taux d’intérêts sont bas et que les établissements de crédit devraient assumer leur fonction première de financement. Cibler en priorité les PME, éventuellement avec des ratios contraignants d’engagements, permettrait par ailleurs de mieux mutualiser les risques et de réduire le poids du capital dans l’économie.



9. Inventer un nouveau cadre réglementaire à l’international. L’Union européenne se doit de donner l’exemple, en mettant en place une politique économique digne de ce nom, voire en créant un fonds d’intervention et une autorité de supervision des marchés pour la zone euro, qui pourrait reprendre progressivement les prérogatives des autorités nationales et des banques centrales pour encadrer les établissements de crédits implantés dans plusieurs Etats-membres. Par ailleurs, profitons de la présence d’un de nos illustres camarades à la tête du FMI pour enfin effectuer son aggiornamento et renforcer ses objectifs et moyens.



10. Lancer le chantier d’une taxe sur les transactions financières à l’échelle européenne, voire internationale. Il faut battre le fer pendant qu’il est encore chaud ! Les acteurs des marchés financiers se rendent compte par eux-mêmes de leur vulnérabilité et des abus commis par leurs confrères. La spéculation à court terme doit être découragée et compensée par des actions réparatrices, après avoir causé autant de dégâts sur les marchés agricoles et engendré des émeutes de la faim en Afrique et en Asie. Il y a là une fenêtre d’opportunité extraordinaire pour remettre à l’ordre du jour une taxe de type Tobin, qui permettrait de financer le développement, par exemple par l’intermédiaire de la Banque mondiale.



Les porteurs de la motion E ne se contentent pas de diagnostics et de polémiques ; ils proposent et agissent en utilisant toutes les énergies et expertises citoyennes, et ce dans le respect de chacun.



Amitiés socialistes,



Baptiste Ast (Section de Bruxelles, Motion E)

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